La naissance du jardin.

A l’automne dernier, j’ai sollicité Monsieur le Maire pour créer un jardin pédagogique scolaire et périscolaire, au cœur de Lorgues, impasse des grands jardins attenant à la place Accarisio sur une parcelle communale.

Cette parcelle était cultivée depuis longtemps par Hubert, jusqu’au jour où sa santé a décliné. Ce jardin fut la grande joie de sa retraite, il le bichonnait à l’ancienne! Et, il me l’avait fait visiter… Potager, verger, vignes, puits, bassin, poulailler, clapier, canal d’irrigation, serre à semis… c’était son petit paradis.

Trésor de bon sens, ce jardin est un exemple de permaculture traditionnelle provençale ancestrale, conçu pour nourrir une bonne famille, jonchée sur une grande restanque face au ciel surplombant le massif des Maures, quiconque passe la porte est émerveillé !

Lorsque j’ai revu ce jardin à la fin de l’été dernier, desséché, les arbres agonisants, je me suis sentie appelée, jardinière passionnée que je suis. J’ai réussi à sauver toutes les plantations pérennes, arbres, arbustes, rosier, verveine, sauge…tout a survécu et puis, tout est reparti à la vie !

J’ai fait connaissance avec ses habitants : tortue d’Hermann, hérisson, couleuvre, orvet, mulot, petit duc, mésange, tourterelle, épaire frelon sur sa toile, papillon, plein de limaçons et tant d’autres.

Mais ce jardin, par ses aménagements, son emplacement, son histoire aussi longue que celle de ce village, sa terre incroyable affinée par tant de jardiniers au fil des siècles, ses installations polyvalentes et d’entendre les cris des enfants si proches, aux heures de récré m’ont fait rêver de lui offrir un destin pédagogique pour les enfants de Lorgues. Et le Maire m’a donné le feu vert!

Alors, j’ai nettoyé le jardin, et ce fut un long travail. Et j’ai amendé le terrain, taillé les arbres et la vigne, installé trois poulettes dans le grand poulailler, remis le potager en culture, fait reculer les ronciers, taillé les haies. Mais pendant ce temps, le corona, le confinement ont mis mes projets en suspens, et en même temps m’ont conforté de l’absolue nécessité de telles initiatives à notre époque.

 

Un enfant qui passe du temps en extérieur fortifie sa santé. Respire !  Le contact avec le vivant permet de comprendre la force et la fragilité de la vie, ses cycles, affiner  ses sens, motricité, flexibilité et agilité. Apprentissage expérimental à partir de la matière, découverte des éléments, terre, eau, feu, air, minéral, animal, humain et ses savoir-faire, chaud, froid, météo, saisons….et ses dérèglements avec le pommier en fleurs en septembre. Hé oui, nous savons que notre rapport aux richesses de la terre doit être plus respectueux, alors apprendre à  connaître la nature jeune est fondamentale.

 Adaptation, coopération, relation au vivant, aux autres, apprendre à se positionner dans le spatio-temporel. Observer le long travail de la nature qui nous permet de nous nourrir. Développer harmonieusement la relation à l’autre dans un cadre bucolique… Et apprendre joliment la vie.

Ce n’est que la dernière semaine d’école, en juin, que la première classe a enfin pu venir. Cela grâce à Michèle Veronesi, directrice de l’école maternelle Émile Zola. Dès que nous avons parlé de ce jardin, ses yeux ont brillé, pédagogue engagée, consciente à la fois des besoins des enfants et de la valeur de ce jardin par tous les outils pédagogiques qu’il offre. Elle en a toujours rêvé car elle sait bien que la nature est le meilleur des professeurs. Et elle a intégré au projet pédagogique de cette année scolaire. Partout dans le monde, se développe l’école dans la nature. Et nous, qui bénéficions d’un climat si doux, enfermons les jeunes enfants dans des classes?

 

Au jardin, les enfants étaient enchantés, les trois jeunes poules n’ont pas quitté leurs bras, le puits les a beaucoup impressionnés, plein de questions, on a ri et ils ont chantés aussi.

Ils ont reconnu la courgette, les haricots, mais pas l’aubergine ni le céleri, ont vu la carotte jaillir de la terre, ont puisé de l’eau…certains appelle la menthe mojito !!! Ils sont repartis à l’école avec une grosse citrouille dans leur petite brouette…et peut-être quelques limaçons au fond des poches.

Déjà se dresse la structure en bambou de la cabane, Armand, le papa de Zélie nous y a raconté un conte de circonstance, le papillon éphémère. Une petite pluie qui passe. Razzia sur les tomates cocktail, les noisettes, les mûres en évitant les ronces, le raisin et les figues boutons d’or, aïe, une branche a cédé à leur gourmandise, l’occasion de comprendre comment on soigne un arbre la prochaine fois et de préparer un baume cicatrisant ensemble!

Ici, personne ne leur demande d’être sage, mais d’agir avec sagesse!

 

Cette rentrée scolaire, nous démarrons  les ateliers jardin  avec deux classes de maternelle de cette école, une après-midi par semaine chacune. Celle de Michèle et celle d’Armelle qui spontanément a intégré le projet, accompagnées de parents investis et d’autres bénévoles. Continuer la cabane, planter le jardin d’hiver, récolter, trier, ranger les graines, dessiner, écrire, reconnaître, respecter, découvrir les outils, apprendre à s’en servir, chacun à son rythme.

Afin de démarrer les activités périscolaires en douceur, certaines sorties de classe auront lieu au jardin permettant aux parents et aux enfants d’échanger dans un lieu propice à la rencontre et aux jeux à l’heure du goûter. On y boira des boissons préparées avec les différentes plantes du jardin, sirop et tisane et des gâteaux aux œufs frais.

 

Bien sûr, le jardin pourrait accueillir plus de classes, et aussi d’autres activités, mais tout cela demande de l’organisation et cette année sera consacrée à la mise en route avec deux classes et à l’adaptation des infrastructures aux enfants.

Il peut, par l’espace qu’il offre, rendre les mesures sanitaires plus acceptables pour les classes.

Pour le moment, j’assure seule l’entretien du jardin et le soin quotidien aux animaux et accueille les scolaires bénévolement. Un collectif de soutien s’organise progressivement, la création d’une association et d’un poste salarié est aussi envisagée afin de développer pleinement le potentiel de ce jardin. La dynamique collective, freinée par les directives sanitaires, se met progressivement en place. Les parents sont contents.

L’accueil de cette initiative dans ce quartier si calme est enthousiaste. Quelle bonne idée ! Les voisins sont ravis et trouvent le jardin très joli.

Des demandeurs d’asile du CADA souhaitent rejoindre cette dynamique afin d’intégrer la vie sociale du village et s’occuper.

 

Aujourd’hui, quel devenir pour ce jardin ? Les adultes, enfants, parents d’élèves, voisins et anciens du village s’accordent à imaginer tout ce qu’on pourrait en faire.

Un lieu préservé de la course effrénée à l’urbanisation, un écrin de verdure protégé et protecteur, un endroit où les enfants, les jeunes pourraient (re)découvrir les bienfaits simples de la vie en plein air, le sens du travail et de l’effort, et comment la nature le rend. 

Un tel lieu serait aussi le témoin de l’histoire rurale de Lorgues, proche des remparts de la vieille ville, il témoigne de comment vivaient nos anciens. Ce serait une incroyable chance de créer pour tous les petits lorguais une sorte de ferme pédagogique authentique et un écomusée bien plus vivant que le musée des ATP de Draguignan qui fige le passé alors qu’ici il est vivant.

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